Il est dur, ce livre de Hilsenrath. Minutieux dans le sordide, il laisse hors-cadre, comme un conte, une partie des détails sur les lieux, les personnages, les circonstances. Il décrit la vie quotidienne, la déchéance, l’agonie des plus démunis dans un ghetto juif de l’est roumain en 1942. Dans cette micro-société, tous les rôles se croisent, des plus crapuleux aux plus saints. Et nombre de situations atroces dont le personnage principal, Ranek, se tirera, il lui adviendra de les revivre …du mauvais côté du manche. Capable d’amour autant que d’horreur, il est la thèse même d’Hilsenrath : quoi que l’histoire leur ait fait, les Juifs sont des êtres humains comme les autres, capables de donner dans le même geste à la fois l’amour et la mort.
Ecrit entre 1945 et 1967 mais pratiquement publié 20 ans plus tard, il s’agit du premier roman de cet auteur juif allemand atypique, lui-même rescapé des ghettos et des exodes. Il compose une espèce de trilogie avec Fuck America et Le Nazi et le Barbier. Mais on n’y retrouve presque plus de cette ironie ébouriffante qui mettait plein de distance dans les deux autres romans, ce qui laisse un récit au ton bien différent, aussi glaçant que son titre.
Proposé par Thomas Lemaigre
Nuit
Edgar Hilsenrath
Traduit de l’allemand par Jörg Stickan et Sacha Zilberfarb
Éditions Attila